Know-How

Ressources humaines en Allemagne : Guide juridique, fiscal et culturel

Malgré la proximité du marché allemand et l’harmonisation des droits européens, le recrutement, l’emploi et la gestion du personnel en Allemagne diffère considérablement de ce que l’on connaît en France. L’entrepreneur français employant du personnel en Allemagne fait bien de connaître les spécificités juridiques, fiscales et culturelles allemandes qui sont d’ailleurs souvent plus avantageuses qu’en France.

Dans l’article suivant, nous aborderons les différents facteurs et vous expliquerons chaque élément afin que vous puissiez prendre les meilleures décisions.

Download als PDF

1. Le droit du travail

Le droit du travail allemand diffère sensiblement du droit français dans de nombreux domaines. Dans ce qui suit, nous souhaitons présenter ce que nous considérons comme les aspects essentiels du droit du travail allemand en ce qui concerne la rédaction et la résiliation des contrats.

1.1 Contrat de travail

Convention collective, CDI ou CDD et période d’essai

Contrairement à la France, où la quasi-totalité des contrats de travail est soumise à une convention collective, la plupart des conventions collectives en Allemagne n’ont pas été étendues. Il est donc fréquent qu’un contrat de travail allemand ne soit pas soumis à une convention collective (Tarifvertrag).

Contrairement au droit français, le droit du travail allemand permet la conclusion de contrats de travail à durée déterminée pour une période maximale de deux ans sans aucun motif.

En dehors de ces cas, un contrat ne peut être limité dans le temps qu’en présence d’un motif légal, comme le remplacement d’un salarié absent ou l’accroissement temporaire de l’activité. La loi ne prévoit alors pas de limite à la durée du contrat.

Il existe également des différences dans la période d’essai : alors qu’en France, la période d’essai varie de 2 à 8 mois selon la convention collective, la règle en Allemagne est de 6 mois, indépendamment du poste occupé. Pendant cette période, le contrat peut être résilié avec un préavis plus court et sans motif par l’une ou l’autre des parties.

1.2 Temps de travail

Contrairement à la législation française, il n’existe pas de durée légale du travail. Il est courant de définir une durée hebdomadaire de 40 heures (contre 35 heures en France). La durée maximale de travail par jour est de 8 heures et peut être portée à 10 heures sous certaines conditions. La durée hebdomadaire maximale est de 48 heures. Il convient de respecter le repos minimum journalier de 11 heures consécutives et un repos minimum hebdomadaire de 35 heures consécutives.

Doit être considéré comme du temps de travail effectif, outre les heures de travail « ordinaires », les périodes de disponibilité et de permanence au sein de l’entreprise ainsi que la plupart des temps de déplacement professionnels (à quelques exceptions près).

Pour une durée de travail journalière de 6 à 9 heures, il convient d’observer une pause d’au moins 30 minutes.

Il n’existe pas de cadre légal pour les heures supplémentaires, la loi allemande ne prévoyant pas de majoration ni de contrepartie en repos. Si cela n’est pas déjà réglé dans la convention collective ou dans un accord d’entreprise, les parties doivent définir la contrepartie à accorder dans le contrat de travail lui-même. Il n’est pas rare de trouver la formulation autorisée, correspondant à une convention de forfait en heures, selon laquelle la rémunération couvre un nombre défini d’heures supplémentaires (en tout état de cause, pas plus de 10% de la durée hebdomadaire ou mensuelle).

S’agissant du temps partiel, contrairement aux règles françaises, la loi allemande ne prévoit pas de nombre d’heures minimum, les parties étant libres de définir l’amplitude de travail en fonction des besoins respectifs.

Une particularité du droit allemand est le contrat « mini-job » qui peut être mis en place pour des activités très peu rémunérées en raison du faible nombre d’heures travaillées (max. 450 euros) ou pour une très courte durée (pas plus de trois mois ou 70 jours ouvrés). Cette forme de contrat de travail est soumise à certaines particularités, notamment en ce qui concerne le régime de sécurité sociale.

1.3 Rémunération

Il existe également un salaire minimum légal qui est régulièrement revu à la hausse.

Il a été défini comme suit pour les années 2021 et 2022 :

  • 9,50 € à partir du 1er janvier 2021
  • 9,60 € à partir du 1er juillet 2021
  • 9,82 € à partir du 1er janvier 2022
  • 10,45 € à partir du 1er juillet 2022

D’une manière générale, les salaires bruts en Allemagne sont souvent plus élevés qu’en France en raison du taux d’imposition plus importants et des charges sociales patronales plus basses qu’en France (de 21 % en Allemagne contre 42 % en France). Il y a par ailleurs une exonération des charges patronales sur la partie du salaire brut annuel dépassant les plafonds annuels de cotisation à la retraite légale et/ou à l’assurance maladie.

La rémunération peut être librement négociée par les parties en tenant compte du salaire minimum légal et, le cas échéant, des minima conventionnels si une convention collective s’applique. Il est fréquent de s’accorder sur un salaire fixe et une rémunération variable dépendant du niveau d’atteinte des résultats, ceux-ci pouvant être définis d’un commun accord entre les parties ou, sous réserve du respect de certaines conditions, unilatéralement par l’employeur. Il est fortement conseillé de fixer des objectifs bien pensés et clairement formulés.

1.4 Congés

Le congé minimum légal en Allemagne est de 24 jours ouvrables (du lundi au samedi), soit quatre semaines. Le nombre de congés est néanmoins souvent négocié entre les parties et il est fréquent de s’accorder sur 30 jours ouvrables (ou 25 jours ouvrés). Les congés sont acquis et pris pendant l’année civile. Lors de la première année, le salarié n’est autorisé à prendre ses congés qu’à l’expiration d’un délai de carence de six mois.

L’employeur doit informer le salarié que ses congés seront perdus après le 31 décembre (ou à une autre date ultérieure, si la société autorise le report à l’année suivante), s’ils ne sont pas pris.

1.5 Licenciement

Nécessité de motiver le licenciement

En règle générale, un licenciement doit reposer sur un motif personnel, disciplinaire ou économique, tout comme en France. Toutefois, une exception à cette règle s’applique aux petites entreprises ne comptant pas plus de dix salariés à temps plein. Dans ces entreprises, un employeur peut mettre fin au contrat de travail d’un salarié sans se justifier d’un motif. Le contrat de travail prend alors fin à l’expiration du délai de préavis et le salarié ne peut faire valoir aucun droit à des dommages et intérêts ni à une indemnisation. Cependant, des règles spéciales s’appliquent à certains salariés bénéficiant d’une protection spécifique, tels que les femmes enceintes, les personnes gravement handicapées ou les membres du comité d’entreprise et ce, indépendamment de l’effectif de l’entreprise.

Dans les entreprises comptant plus de dix salariés à temps plein, la loi dite de protection contre le licenciement s’applique. Dans ce cas, le licenciement d’un salarié ayant plus de six mois d’ancienneté doit reposer sur un motif personnel, disciplinaire ou économique.

Contrairement au droit du travail français, un licenciement prononcé sans motif est nul, le salarié pouvant alors obtenir sa réintégration dans l’entreprise. Si le tribunal confirme la nullité du licenciement, le salarié est autorisé à réintégrer l’entreprise et peut réclamer sa rémunération pour la durée de la procédure judiciaire.

Afin d’éviter ce résultat, des transactions sont très souvent conclues dans le cadre de procédures prud’homales en Allemagne. Dans le cadre de telles transactions, les parties conviennent du versement d’une indemnité. Celle-ci sera généralement autour de 0,5 salaire mensuel brut par année d’ancienneté. Toutefois, une telle transaction dépend essentiellement des chances de succès d’une action en protection contre le licenciement et il n’est pas exclu qu’un salarié pour lequel il n’existe aucun motif de licenciement rejette toute solution transactionnelle ou la subordonne au versement d’une indemnité plus élevée.

Quelle est la procédure à suivre en cas de licenciement ? Un licenciement en Allemagne ne nécessite aucune procédure particulière. Le salarié ne doit pas être invité à un entretien préalable et la décision peut être prise immédiatement. Il est seulement nécessaire que l’employeur soit en mesure de démontrer la réception par le salarié de la lettre de licenciement qui aura été remise à celui-ci en original avec la signature d’une personne habilitée à décider de la mesure. Cependant, s’il existe un comité d’entreprise, il doit être consulté. Le comité d’entreprise dispose d’une semaine pour approuver ou rejeter le licenciement.

Aucune indemnité de licenciement n’est due, seul le salaire durant le préavis devant être versé, même en cas de dispense d’activité, à moins que le salarié soit licencié sans préavis pour motif grave.

Le motif de licenciement n’a pas à être indiqué dans la lettre de licenciement si bien que la lettre de licenciement allemande est généralement bien plus courte qu’en France. Elle doit toutefois contenir l’indication au profit du salarié qu’il doit s’inscrire comme chômeur auprès de l’agence pour l’emploi dans un bref délai après réception de la lettre de licenciement afin de ne pas perdre son droit aux prestations de chômage.

Contrairement au droit français, où le salarié peut contester son licenciement dans un délai d’un an, en Allemagne, le salarié ne dispose que de trois semaines pour saisir les tribunaux à compter de la réception de la lettre de licenciement.

2. Ressources humaines en Allemagne : gestion des salaires

2.1 Enregistrement de la société (Employeur)

L´enregistrement de l´employeur doit se faire auprès des organismes suivants :

  • Agence pour l’emploi pour l´attribution du numéro d‘identification employeur (Betriebsnummer), qui sert comme référence pour la déclaration et le règlement des cotisations sociales
  • Caisse professionnelle préventive des accidents du travail (BG)
  • Administration fiscale pour l´attribution du numéro fiscal, qui est nécessaire pour la pratique de la retenue à la source. Dans ce cadre on distingue 2 situations :
  1. Société avec structure / Etablissement stable (succursale, filiale)
  2. Société sans structure / pas d´établissement stable : Pour que l´employeur étranger (Français) puisse obtenir le statut d´employeur allemand, il faudrait doter l´employé d’une fonction de représentant permanent fiscal (selon le code des impôts allemand § 13 Nr. 1 AO). Un employé est considéré comme représentant fiscal si sa tâche consiste à obtenir des contrats de ventes (commandes) avec des clients. Ce représentant n’a aucune fonction de représentation pour la société au niveau de la gérance.

2.2 Enregistrement du salarié

L´enregistrement du salarié doit se faire auprès :

  • Du service fiscal via le numéro d´identification fiscal du salarié. Ce dernier sera imposé selon sa classe d´imposition personnelle.
  • De la caisse sociale, qui regroupe la caisse maladie, retraite, soins de dépendances et chômage.

Concernant la caisse d´assurance maladie il existe 2 régimes :

  • Le premier est le régime obligatoire légal : auquel sont soumis les salariés dont le revenu annuel ne dépasse pas un seuil défini (allgem. Jahresentgeltgrenze) à partir de 2021 : 64.350,00 €
  • Le deuxième est le régime privé : concerne les salariés dont le revenu annuel dépasse le seuil défini pour l´assurance obligatoire légale. Ils peuvent opter pour le régime réglementaire obligatoire ou bien choisir une assurance privée. Dans ce cas, la part patronale ne change pas par rapport au régime obligatoire.

2.3 Traitement mensuel des salaires

La fiche de paie allemande est simple et bien lisible, elle contient les différents éléments du salaire, tels que le salaire fixe, les primes variables, les avantages en nature ainsi que les cotisations sociales et le montant des impôts (retenu à la source).

Le montant total des cotisations part salariale est actuellement d’environ 19,80 %.

L´employeur est soumis, en plus des cotisations maladie, retraite, soins de dépendance et chômage, à des autres cotisations patronales notamment :

  • Cotisations remboursement frais de maladie (Umlage 1), obligatoire pour les entreprises dont le nombre des salariés inférieur à 30 salariés, environ entre 2 et 4 %.
  • Cotisations remboursement frais de maternité (Umlage 2), environ entre 0,30 et 0,70 %.
  • Assurance insolvabilité (Insolvenzumlage), actuellement 0,12 %
  • Le montant total des cotisations part patronale est actuellement de 21,50 % environ.

Échéances :

  • Cotisations sociales : Envoi des déclarations 5 jours avant le dernier jour ouvrable du mois, et paiement 3 jours avant le dernier jour ouvrable bancaire.
  • Impôt sur le revenu : déclaration mensuelle et paiement jusqu´au 10 du mois suivant.

2.4 Frais de déplacements

De manière générale, le remboursement des frais de déplacement professionnel n’est pas indiqué sur la fiche de paie du salarié. Toutefois, comme il s’agit de salariés en Allemagne, il faut veiller à respecter les règles allemandes relatives aux remboursements non soumis à l’impôt. Le fisc allemand peut se réserver d’effectuer un contrôle fiscal pour vérifier la bonne procédure.

Le remboursement des frais de déplacement peut se faire selon deux variantes :

  • Remboursement sur pièces justificatives : tous les frais de déplacement sont remboursés au réel sur justificatif.
  • Remboursement sur la base de forfaits : ces forfaits sont déterminés par la loi allemande et limitent le montant maximum remboursable (exonéré d’impôts).

2.5 Véhicule de fonction

La mise à disposition d’un véhicule de fonction avec l’autorisation d’utilisation à titre privé est un avantage en nature. Le calcul de l’avantage en nature peut être effectué selon la méthode du forfait (calculé sur la base du prix catalogue brute du véhicule) ou selon la méthode du carnet de route et de détermination des frais réels. Cette dernière méthode est très rare car elle est très exigeante et fastidieuse. De plus, le carnet de route est très souvent rejeté par le fisc pour des erreurs de forme.

Les trajets domicile-lieu de travail sont également considérés comme des trajets privés et constituent également un avantage en nature (calculé selon une méthode forfaitaire).

Ces avantages en nature sont imposables et soumis aux cotisations sociales.

Dans le cas où l’utilisation privée du véhicule est interdite, et que l’utilisation exclusivement professionnelle est prouvée par la tenue d’un carnet de route, aucun avantage en nature ne sera pris en compte.

2.6 Contrôle social et fiscal

La caisse de retraite générale (deutsche Rentenversicherung) est tenue de contrôler chaque entreprise (employeur) en Allemagne tous les quatre ans. En règle générale l’administration fiscale effectue avec la même régularité des contrôles fiscaux concernant la retenue à la source des impôts sur le revenu (contrôle des calculs et des règlements des impôts).

3. Le recrutement et la fidélisation des salariés en Allemagne

Plus de 4.000 filiales françaises et des milliers d’exportateurs développent tous les jours leurs activités sur le marché allemand. Malgré sa proximité et son dynamisme, afin de développer son entreprise de façon pérenne, certains facteurs économiques doivent être pris en considération.

L’Allemagne présente un taux de chômage très faible (4,9% début 2020, 6% début 2021), une balance commerciale excédentaire rendant l’Allemagne dépendante du commerce international mais également un taux d‘industrialisation élevé. De plus, l’Allemagne se prépare à faire face à de nombreux défis sociaux-économique comme le vieillissement de la population, le manque de main d’œuvre qualifiée… Actuellement plus de la moitié des dirigeants du Mittelstand – considéré comme l’épine dorsale de l’économie allemande regroupant des PME / ETI traditionnellement familiales – sont âgés de plus de 55 ans. Ce chiffre devrait passer à 70% d’ici 5 ans. Enfin les dernières estimations annoncent que 3,3 Mio de postes seraient non occupés d’ici 2040.

Une fois le contexte global pris en considération, la question qui se pose très souvent est : Comment trouver et recruter les bons collaborateurs ? Tout d’abord, il faut savoir identifier les bons canaux de recrutement c’est-à-dire les jobboards, canaux en propre, cabinet de recrutement ou encore les réseaux sociaux. Il est aussi très important de se renseigner sur les niveaux de salaires, qui varient selon les branches, les régions, l‘expérience professionnelle et le niveau académique des candidats. Les avantages en nature ne sont pas à négliger comme la catégorie de la voiture de fonction pour les commerciaux, les formations et évolutions en interne possible. L’ensemble de ces critères sont à étudier en fonction des sources de motivations : climat interne, missions, évolution de carrière, sécurité de l’emploi…

A noter que la durée de recrutement peut varier selon de nombreux facteurs : attractivité du poste (responsabilités, conditions de travail), rémunération, prime, avantages, lieu du poste, attractivité de l’entreprise, exigences du poste (qualification et compétences) sans oublier la situation du marché (rareté du profil recherché, concurrence…)

Prenant en compte le contexte allemand, les difficultés de recrutement rencontrées, mais également le temps de formation, se pose la question de Comment fidéliser ses employés allemands ? Plusieurs facteurs interculturels mais également de motivation sont à considérer comme par exemple :

  • Hiérarchie et notion d’autorité en Allemagne
  • Mode de prise de décision (consensus, 4 AugenPrinzip…)
  • Les relations d’affaires et entre employeur – employés, souvent très factuel avec un respect par la confiance et les compétences
  • Work – Life balance nécessitant que les tâches et salaires doivent être en lien avec le développement d’une marque, culture d’entreprise… pour « enrichir » sa vie.

En conclusion, les employés allemands sont sélectifs. La transparence, culture et image d’entreprise sont à valoriser, tout en tenant compte de la composante culturelle et du lien avec la France. Jouer sur la créativité Française : les Allemands aiment la France et les français !

Les entités de vif Solutions accompagnent depuis plus de 20 ans les entreprises et les institutions publiques sur les marchés allemand et français.

ParisLyon – Cologne –Munich

Votre contact

COMPTABLE & GESTIONNAIRE DE PAIE | VIF TAX

Atiyate Debbarh